L'année dernière, j'ai passé le Diplôme Inter Universitaire Lactation Humaine et Allaitement Maternel (DIULHAM pour les intimes).
Plus de 100 heures réparties sur trois semaines consacrées à l'allaitement dans toutes ses facettes : anatomie, physiologie, pathologie, mais également psychologie, sociologie, anthropologie... Sans oublier les facettes inhérentes aux soins d'un nouveau-né et à la relation mère-enfant.
Ce diplôme est obtenu après validation d'un examen écrit et réalisation d'un mémoire de recherche sur le thème de l'allaitement.
Pour ma part, j'ai décidé de faire mon mémoire sur "la place de l'allaitement dans l'entretien prénatal précoce".
L'entretien prénatal précoce est un entretien qui est proposé (ou qui devrait l'être, si nous vivions dans le meilleur des mondes) à toutes les femmes enceintes lors de leur quatrième mois de grossesse. C'est un entretien qui se situe en-dehors du suivi médical et qui laisse la place au dialogue afin de permettre à la femme, au couple, de mettre des mots sur ces changements venus et à venir.
L'allaitement étant une part importante du vécu avec un nouveau-né, il me paraissait important de l'évoquer dès ce moment, car, comme l'accouchement, les femmes ont beaucoup d'idées reçus à son sujet.
Il me paraissait également intéressant de l'évoquer dans une autre optique : lorsque les femmes ont un échec d'allaitement, celui-ci peut avoir des répercussions très importantes, allant du refus d'allaiter les enfants suivants au risque de faire une dépression du post-partum à cause du sentiment d'échec que cela peut induire.
Une des mes amies a justement fait une dépression du post-partum suite à l'échec de son premier allaitement et si, cela n'a pas consciemment motivé mon choix, je suis maintenant persuadée que cela l'a été inconsciemment.
En effet, alors que je rédigeais ce mémoire, mon amie était enceinte de son deuxième enfant, à 200 km de moi.
Alors que je mettais la touche finale à ce travail de recherche, elle est venue vers moi pour parler de cet échec et de ses nombreuses craintes concernant son second allaitement. Elle était partagée entre l'envie de ne pas tenter et celle de se prouver qu'elle pouvait y arriver. L'ambivalence était profonde et à force de discussion, elle a fini par décider de "tenter sans se borner", ce qui m'a paru un choix très simple et très juste, essayer sans se mettre la pression.
C'était sans compter qu'une grossesse, un accouchement et un allaitement se vivent rarement seuls.
De par nos discussions téléphoniques, elle était bien sensibilisée sur ses faiblesses, elle avait bien identifié ses peurs et avait pu mettre à jour des solutions de contournement. Elle savait également qu'elle n'avait rien à gagner à cacher cet antécédant de dépression du post-partum et du lien avec son échec d'allaitement. Autant la médecin que la sage-femme qui la suivaient étaient au courant. C'était noté dans son dossier médical.
Pour autant, alors qu'elle était en demande de réassurance, sa sage-femme libérale ne lui a prodigué que des conseils basiques au cours d'une séance collective de cours de préparation à l'accouchement. A ce moment-là, elle n'a pas osé abordé son vécu et ses craintes de peur d'effrayer les autres mamans. Sa sage-femme n'est jamais revenue en privé avec elle sur le sujet.
Pour autant, alors que son enfant avait montré au cours des premières tétées qu'il avait tout compris et en dépit des recommandations médicales actuelles, on lui a imposé de donner un complément de lait artificiel à un jour de vie, au prétexte que "un bébé ne doit pas dormir si longtemps". Première étape de démolition d'une confiance en soi difficilement acquise.
Pour autant, alors qu'elle avait spécifié qu'elle ne voulait pas que l'on touche à sa poitrine et en dépit des recommandations actuelles, une auxiliaire de puériculture a passé outre sa volonté et lui a imposé un contact physique qui la mettait mal à l'aise. Deuxième étape pour briser les défenses d'une femme meurtrie dans sa chair.
Pour autant, lorsqu'elle a fini par décider d'allaiter son enfant au biberon par l'intermédiaire d'un tire-lait, alors que, forte de mes conseils, elle avait demandé un tire-lait adapté à sa physiologie, un pharmacien n'a rien trouvé de mieux que de lui refiler un vieil appareil anti-physiologique et douloureux sous prétexte que "bah, si ça marche pas, vous n'aurez qu'à passer au lait artificiel". Dernier coup de grâce pour une femme déjà à terre.
Aujourd'hui, évidemment, mon amie n'allaite plus. Fera-t-elle de nouveau une dépression du post-partum ? Il est trop tôt pour le savoir mais j'espère, j'espère vraiment que malgré tout, cela pourra lui être évité.
Comment aurais-je pu l'aider plus que je ne l'ai fait ? Même si j'ai pu lui donner toutes les infos dont elle avait besoin, tous les conseils, comment lutter contre les professionnels qui sont là, auprès d'elle, quand moi je suis si loin, si désœuvrée ? Comment lutter contre l'ignorance et l'indifférence ?
Et si encore mon amie était un cas isolé... Mais c'est loin d'être le cas et je rage, je rage, de me retrouver aujourd'hui ainsi à ne pas pouvoir vraiment les aider, à ne pas pouvoir leur offrir l'expertise que ce diplôme me confère désormais, faute d'un poste, d'un cabinet, d'un lieu où exercer...
Je rage.
Bonsoir,
RépondreSupprimerJe suis pharmacienne et jeune maman, j'ai adoré allaiter mon bébé, depuis je suis un peu (beaucoup!!) plus calée sur les questions autour de l'allaitement, mais je ne savais pas qu'il existait des tire-laits adaptés aux différentes physiologies, pourriez-vous m'en dire plus svp? Merci d'avance!!
Bonjour,
SupprimerEn effet, ma tournure porte à confusion (il faut dire que j'étais passablement énervée qd j'ai écrit ce billet ! ).
A vrai dire, je faisais surtout référence aux tire-lait "biphasiques" et qui permettent donc de générer le flux d’éjection (par stimulation du mamelon) et seulement ensuite de réguler le débit, par opposition aux "monophasiques" qui ne prennent pas en compte la phase de stimulation du mamelon. (mais cela doit sûrement vous parler :-) )
De même, prendre en compte l'anatomie de la femme, avec des téterelles adaptées à son mamelon est aussi un gage de réussite.
De par ma fréquentation des officines (limitée à mes lieux de vie ;-) ) , j'ai remarqué qu'il y a des pharmaciens qui font très attention à ce genre de détails et d'autres qui n'en ont franchement rien à faire. Et c'est franchement dommage ! Le pharmacien est un professionnel médical de premier plan, de premier recours très souvent et il serait "juste" qu'il soit lui aussi au fait des dernières avancées de la médecine. (De la même manière que beaucoup n'hésitent pas à pousser les femmes au sevrage ou s'en tiennent au Vidal comme référence alors que d'autres sources, telles Le Crat, sont bien plus fiables en matière de molécules pouvant être utilisées pendant la grossesse et l'allaitement).
Je vous souhaite une bonne journée,
Agathe