Un dimanche de garde dans ma petite Maternité Adorée. Une garde calme, très calme, à vrai dire, il n'y a aucune femme en travail. Et puis vient la sonnette tant attendue.
C'est leur premier enfant, ils sont sereins, elle est en début de travail et gère très bien. Il est très présent auprès d'elle, tout en force et en douceur.
Ils veulent d'un accouchement physiologique, sans péridurale et si possible, elle aimerait accoucher accroupie. Elle s'est renseignée, elle sait que c'est la meilleure position pour faciliter la naissance du bébé et se sent prête. Je ne peux qu'aller dans leur sens, tout va bien, l'enfant se porte bien, il est inutile de médicaliser. Toutefois, je me permets un bémol : la position accroupie est très physique à tenir, surtout pour un premier accouchement où la poussée peut être plus longue que prévue et si les indiennes ont l'habitude de tenir cette position, ce n'est plus tellement le cas des occidentales (référence au Docteur Papiernik qui accouche les indiennes du Brésil en position accroupie). Elle me dit que cela ne l'inquiète pas, "j'ai fait tout le Chemin de Saint Jacques de Compostelle, je connais la notion de l'effort".
Nous partons donc avec cet objectif, tous portés par notre enthousiasme, et moi plus encore car si j'ai étudié la mécanique de l'accouchement accroupi, je n'en ai encore jamais vu et encore moins pratiqué.
Nous descendons les stores des fenêtres, diminuons le bruit du monitoring à un niveau sonore qui lui convienne. J'obture son cathéter veineux pour qu'elle soit gênée le moins possible par des fils inutiles. Elle est dans sa bulle, toute concentrée sur l'acte qui se joue au plus profond de son corps, au plus profond de son cœur.
Son cheminement vers la maternité se fait lentement mais sûrement et c'est juste avant la fin de la garde que nous partons nous installer en salle d'accouchement. Mes collègues de nuit arrivent juste à ce moment, et nous sommes alors quatre sages-femmes à la fois curieuses et intimidées par cet accouchement qui nous sort de notre quotidien. C'est avec l'accord du papa que mes collègues se placent dans des recoins discrets de la salle d'accouchement (la maman est tellement déconnectée de nous que je ne sais même plus si elle fait attention à ma propre présence). Je m'installe sur un petit tabouret à ses pieds et nous attendons.
Nous attendons que la contraction vienne et qu'elle ressente cette impérieuse envie de pousser. Alors, elle se soulève, tire de toutes ses forces sur ses bras, le papa assis sur la table derrière elle et petit à petit, contraction après contraction, elle met son enfant au monde, sous nos yeux émerveillés.
Je l'accompagne de la voix et du regard, en lui chuchotant des "c'est bien, continuez, vous êtes formidable" qu'elle n'entend peut-être même pas, qu'elle n'a peut-être même pas besoin que je lui dise. Nous récupérons ensemble son enfant et elle s'appuie contre le papa, leur enfant au creux de ses bras, un sourire merveilleux sur les lèvres. La délivrance se fera ensuite très rapidement.
Les quatre sages-femmes, nous restons là, encore un peu sonnées par la force de ce que à quoi nous venons d'assister, par cette chance que ces parents nous ont donnée. Et puis, lentement, en silence, mes collègues s'effacent et je rallonge la dame pour qu'elle soit plus à l'aise pour donner le sein à son enfant.
Aujourd'hui, ce petit garçon va sur ces 8 ans et je me demande souvent si la force, la persévérance et la confiance dont ses parents ont fait preuve pour le mettre au monde a laissé des traces sur l'être qu'il est devenu. En tout cas, elles en ont laissé sur les quatre femmes qui ont veillé à leurs côtés.
Merci de raconter aussi de belles histoire comme cela ! Ton blog donne du coup une vision d'ensemble très juste de l'accouchement, sans tomber dans aucun excès !
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