jeudi 23 octobre 2014

De la contraception du post-partum

J'ai assisté il y a quelques jours à un échange sur Twitter sur l'allaitement. Échange entre professionnels de santé concernés et bienveillants, de ces professionnels qui ont abandonné le paternalisme médical pour un respect du patient et de ses choix. Mais pour autant, au cours de cette conversation, une phrase m'a hérissé le poil, m'a mise en colère, sans que sur le moment, je comprenne vraiment pourquoi. 

Un de ces professionnels rapportait le fait qu'un médecin lui avait dit que la méthode MAMA (méthode de l'allaitement maternel et de l'aménorrhée) en post-partum était suffisante comme moyen de contraception et ceci lui semblait "too much", et que, dire ceci aux accouchées, c'était leur "offrir un billet pour revenir dans neuf mois". J'avoue, ça m'a fait bondir. Vraiment. 

Mais pourquoi ? Pourquoi une réaction aussi épidermique de ma part ? (alors que, je le redis, c'était une conversation vraiment bienveillante)

J'ai moi-même prescrit des pilules aux jeunes accouchées pendant des années.
J'ai moi-même tenu le discours que la MAMA, c'était bien mais pas suffisant. 
J'ai moi-même dit aux femmes (et à leurs compagnons quand ils étaient présents) que c'était "risqué" de sortir de la maternité sans moyen de contraception. 
J'ai moi-même prescrit une pilule à bon nombre de couples infertiles au prétexte que "on ne sait jamais".

De ce fait, bon nombre de mes patientes ont sagement, consciencieusement repris une pilule à peine quatre jours après la naissance de leur enfant. 

Depuis, j'ai passé le Diplome InterUniversitaire de Lactation Humaine et d'Allaitement Maternel. Je connais donc les critères de la MAMA et son taux d'efficacité.
Depuis, je fréquente des sites de partages de connaissances en gynécologie et ai appris les recommandations de la HAS et de l'OMS.

Mais ce n'est pas tant la réalité scientifique des arguments qui m'a fait bondir. Non. C'est encore cette impression, ce sentiment que, là-encore, on imposait quelque chose aux femmes. 

Depuis la polémique sur les pilules de 3ème et 4ème génération, beaucoup de professionnels de santé (sages-femmes et médecins) se sont remis en cause sur leur manière de prescrire. Beaucoup de patientes ont refusé de se laisser imposer des méthodes qui ne leur convenaient pas. On peut voir aujourd'hui dans les magazines et à nos arrêts de bus des plaquettes vantant le fait que "la meilleure contraception, c'est celle que l'on choisit". On respecte de plus en plus le droit des femmes à disposer de leur corps et à choisir leur méthode de contraception (enfin, restons réalistes, lorsque les femmes ont affaire à des praticiens professionnels et respectueux). 
Et pourtant, dans le post-partum, on impose le plus souvent aux femmes de recourir à une méthode de contraception. 

Oui, si la MAMA n'est pas respectée, la femme va récupérer une pleine fécondité. Oui. Mais pour autant est-ce lui donner un "billet pour revenir dans neuf mois ?". Les femmes ne sont pas stupides ou inconscientes. Et pour certaines, une grossesse n'est pas un "risque". D'ailleurs pourquoi utilise-t-on si facilement le terme de "risque" ? Il y a déjà un jugement dans ce terme. Il serait plus juste de dire qu'il existe une potentialité de grossesse sans méthode de contraception. Mais qui sommes-nous pour juger si c'est un risque ou non pour la femme ? 
C'est un risque si nous lui prescrivons une méthode qui lui entraine une phlébite ou un AVC, oui.
C'est un risque si une grossesse, rapprochée ou non, met sa vie en danger, oui (et encore, y a-t-il tant de risques à l'heure où la médecine surveille  de si près les femmes et les grossesse ?)
Mais une absence de contraception, un risque ? Non, juste une augmentation des possibilités. 

Arrêtons de voir les jeunes accouchées comme des idiotes. 
Arrêtons de penser qu'elles ne sont pas capables de prendre une décision juste, pour elles.
Arrêtons de penser à leur place. 

Devenir mère ne nous rend pas plus bêtes qu'un autre femme, juste plus fatiguées !

Alors, rendons-leur leur liberté de choix en matière de contraception. Et pour cela, une seule méthode me parait efficace : la parole. Expliquons aux jeunes accouchées, de la même manière que nous le ferions pour le reste de la population féminine, les différentes méthodes à leur disposition. 
Celles qui sont compatibles avec les caractéristiques du post-partum (risque thrombo-embolique supérieur...). 
Celles qui sont compatibles avec un allaitement (et qui ne vont donc pas faire baisser la lactation...).
Celles qui sont compatibles avec leur profil hématologique ou vasculaire. 
Celles qui sont compatibles avec leurs antécédants familiaux et médicaux. 
Celles qui sont compatibles avec leur mode de vie (de jeunes mamans fatiguées). 
Celles qui sont compatibles avec leur tolérance personnelle. 
Celles qui sont compatibles avec leurs désirs de grossesses.
Etc...

Et laissons-les faire leur choix. Quel qu'il soit. Même s'il s'agit de ne pas recourir à une méthode de contraception. Et de revenir dans neuf mois.


(et que le professionnel de santé qui a émis cette remarque soit remercié, il m'a ouvert les yeux sur mes propres contradictions !)

Quelques liens : 

3 commentaires:

  1. Bonjour et merci pour ce billet ! Je suis régulièrement votre blog, et ce sujet me parle puisque j'ai accouché il y a 2 mois. Et j'ai été choquée par la façon de faire de la sage femme qui s'est occupée de ma sortie de la maternité : elle m'a donné une ordonnance avec une pilule comme contraception, sans plus d'explication ni aucun dialogue avant de rédiger cette ordonnance, je pense que ce sont des ordonnances type dans les hôpitaux... Je lui dit que je ne voulais pas de pilule et elle m'a répondu quelque chose comme "vous êtes obligée".

    Évidemment je n'ai pas pris cette pilule, c'est mon choix quand même. Sauf que je n'ai pu discuter de cette question de cobtraception post natale avec personne de professionnel et je trouve ça dommage.
    Jai déjà eu du mal à trouver qq qpour des douleurs postnatales, l'hôpital où j'ai accouché ne fait pas de consultations pour ça, il faut aller aux urgences... Heureusement j'ai trouvé une sage femme bienveillante qui a eu la gentillesse de me recevoir.
    Dommage qu'elle ne pose pas de stérilet, je vais devoir me diriger vers un gynéco, un peu a reculons, et là aussi, j'espère trouver qq de respectueux et surtout à l'écoute...

    Bref, pour le post natal je pense qu'il y a bcp de progrès a faire !

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    1. Bonjour !

      Moi aussi j'ai accouché il y a deux mois ;-)

      Pour trouver un professionnel respectueux, n'hésitez pas à demander à votre sage-femme si elle connait qqn qui pourrait vous convenir et n'hésitez pas à poser des questions au moment de prendre le rendez-vous.
      Enfin, une liste blanche de soignants respectueux est en train d'être mise en place à cette adresse : https://gynandco.wordpress.com/, peut-être y trouverez-vous votre bonheur.

      Bonne journée et bonne continuation avec votre petit bout !

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  2. Peu de gens arrivent à concevoir qu'un couple a envie d'avoir des enfants très rapprochés.
    Nous attendons notre deuxième et avons eu notre lot de petite questions (pas méchantes, mais qui prouvaient que dans la tête de pas mal de gens, si les enfants ont 18 mois d'écart, c'est peut-être sans doute ?) lié à un retour de couches pas anticipé. Ou alors qu'on et un peu des crétins suicidaires, alors que non, on a vraiment fait exprès, et oui, si on s'est lancés, c'est qu'on s'en sentait capables.

    J'avais anticipé en prévenant mon entourage qu'il y aurait sans doute un faible écart entre nos enfants, mais sans non plus faire d'annonce à la terre entière.
    Même une professionnelle de santé, qui pourtant a du en voir d'autres, a cru que c'était une grossesse non-désirée (à sa décharge, au départ, c'était une fausse-couche qui était diagnostiquée ; elle a sans doute voulu voir le bon côté de choses...).

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