dimanche 31 mai 2015

Fatiguée

Le sourire est là, parfois troublé de larmes. Les traits sont tirés, les gestes las. Et pourtant elles/ils avancent, malgré tout. Car malgré le fait que leur bébé ne dorme pas (ou en tout cas, pas suffisamment pour leur permettre, à elles/eux, de dormir suffisamment), elles/ils avancent, dans leur quotidien, leur vie... ou pas. 

Je crois que rien n'est pire que le manque de sommeil, cette torture à laquelle on ne peut échapper, cette impression que les secondes durent des heures et que les nuits n'auront jamais de fin... Ou alors que cette fin viendra bien trop vite une fois l'enfant endormi.
Cette sensation de toujours courir après quelque chose, ce poids sur nos épaules d'une fatigue jamais soulagée. Cette sensation de naviguer à vue dans un brouillard opaque. 

Parfois, un rai de lumière réussit à percer les nuages : quelques heures de calme, un moment pour soi pour se ressourcer autrement, un sourire sur le visage de l'enfant aimé... 
Et parfois, ne demeure que l'obscurité, quand la fatigue nous dépasse, nous déborde, nous perd en chemin. 

Certains ont la chance d'avoir des familles, des amis prêts à prendre le relais, à offrir des moments de répit dans la tempête. Mais avec l'éclatement des familles, que ce soit géographique ou relationnel, c'est de plus en plus difficile. 

En tant que sage-femme, d'autant plus spécialisée dans l'allaitement et les rythmes du nourrisson, je pensais que je parviendrais à traverser cette période en évitant les eaux troubles. Non pas parce qu'elles n'auraient pas existé, mais parce que j'aurais eu en main toutes les cartes pour naviguer en eaux sûres. Grave erreur évidemment !

La théorie n'a jamais aidé un enfant à trouver le sommeil et lorsque les nuits difficiles s'enchainent, le fait de savoir que c'est normal n'aide guère à repousser la fatigue, à laisser l'angoisse derrière la porte. Comme n'importe quelle maman, je tâtonne, je tente, j'accepte les échecs (même si ceux-ci réussissent régulièrement à miner ma maigre sérénité).

Nous ne sommes pas réellement préparés à cela. 

En tant que parents, la préparation à la naissance n'aborde que superficiellement le sommeil du bébé. On nous parlera que peu (ou pas), du risque de dépression du post-partum, que la fatigue peut être telle qu'elle nous mènera à ses portes. On nous dit que cela peut être difficile mais jamais à quel point. Par crainte de trop nous effrayer ? Par manque de temps ? Par vision différente des objectifs d'une préparation ? Parce que ça peut aussi bien se passer ?

En tant que sage-femme, nous sommes plus ou moins formées, soit que nous ayons les connaissances théoriques, soit que nous ayons expérimenté ces temps personnellement. Nous pouvons évoquer différents "trucs" qui ont marché chez les uns, différents professionnels qui ont débloqué des situations. Nous pouvons faire preuve d'empathie, rassurer, accompagner. Mais nous ne sommes pas des magiciennes. Nous ne pouvons savoir ce qui se passe dans le cœur, l'esprit, le corps de cet enfant, de cette mère, dans le lien qui les unit. Nous ne pouvons assurer les parents que "demain, ils dormiront". Non, c'est dépasser nos compétences. 

C'est dépasser la réalité tout court.

Et pourtant, j'aimerais tellement que quelqu'un me prenne la main et me dise "fais ceci et elle dormira". Oh oui ! Mais non. Alors je n'ai pas d'autre choix que d'attendre encore et encore, en essayant de ne pas me laisser entrainer dans l'obscurité.

7 commentaires:

  1. Ma pauvre. comme je compatis. c'est vrai qu'il est dur d'enchaîner des nuits. et surtout quand on en est à deja 8 mois... j'aimerais t'aider et te tenir la main comme tu dis, mais je suis certaine que tu as déjà essayé tant de choses !
    Faim, câlins, peur, douleurs ? sais tu ?
    n'hésite pas.
    biz
    clemynette

    RépondreSupprimer
  2. Comme je comprends... Cet épuisement je n'aurais jamais pu l'imaginer avant de le vivre. Par "chance" ma Perruchonne a dormi relativement bien assez tôt mais c'est son reflux et ses pleurs intenses tout au long de la journée qui ont minés mon moral. Avec des hauts et des bas on continue à avancer, ces deux derniers mois à nouveau sans sommeil ont mis mes nerfs et mon couple à bien rude épreuve ! Mais ses éclats de rire, ses premières phrases me donne la force d'avancer, toujours ! Et même de penser à un deuxième, c'est pour dire! :)

    RépondreSupprimer
  3. Bon, y a un excellent signe quand même : malgré le manque de sommeil, tu écris ! Dans les trucs "débiles" qui ont marché avec l'un ou l'autre de mes (trois) enfants, il y avait pêle-mêle
    - mettre BB à côté de la machine à sécher le linge
    - mettre BB à côté de l'aspirateur allumé (attention, si l'aspirateur "tourne à vide", il finit par surchauffer)
    - dormir avec BB dans une écharpe, faut juste bien se caler pour rester sur le dos
    - mettre des boules Quiès et se coucher après avoir contrôlé que BB n'a pas faim - froid (en cette saison, ça semble peu probable) et qu'il a les fesses au sec, parce que ne l'oublie jamais, "charité bien ordonnée commence par soi-même", toujours ! Tiens, d'ailleurs, l'hôtesse, dans l'avion, elle te rappelle à chaque fois que tu dois d'abord mettre ton masque en cas de dépressurisation de l'avion et APRES seulement mettre celui de ton enfant, c'est dire !
    - te dire que tu es une battante et que si les hommes devaient gester, accoucher, allaiter, l'humanité serait éteinte depuis plusieurs siècles : donc, BRAVO à toi d'être rendue jusqu'à là, tu es du bon côté, même si là, tout de suite, tu te sens davantage happée par Dat Vador que par Luc Skywalker, la force est déjà avec toi !

    PS: si le seul fait d'être sage-femme te donnait un réel avantage sur les autres mères, il n'y aurait pas un oncologue atteint du cancer et aucun avocat en taule....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci, je reste tout bête devant de tels encouragements ! Merci ! Vraiment !

      Supprimer
  4. J'arrive très tard, mais j'ai une solution viable.

    Je suis dotée d'un sommeil de plomb, le genre de sommeil qui nécessite deux réveils différents, et bien bruyants, si je n’ai pas assez dormi, pour me réveiller. En gros, n'importe qui peut entrer dans ma chambre si je dors, et faire le bruit qu'il veut, je ne me réveille que si on me secoue.

    Assez naturellement pourtant, pour mes deux enfants, nés à terme, allaités, sans problèmes de poids, je me suis réveillée pendant à peu près un mois quand ils réclamaient quelque chose. C'est troublant, mais réel. Ils ont dormi dans la même chambre que moi un peu plus de trois mois tous les deux, mais je ne les ai entendu qu'un mois, en gros. Puis plus du tout. Je n'ai jamais su s'ils faisaient leurs nuits, ou si je faisais la mienne, mais en tout cas, passé un mois, dans les deux cas, j'ai dormi des nuits complètes. Peut-être pas eux, je ne sais pas, je n'ai pas entendu. Mais il se trouve que... qu'est ce que çà peut faire? Il vaut sans doute mieux une mère en forme, qu'une mère qui se réveille dix fois par nuit au bord de la rupture.

    A ce jour, ils ont 12 et 14 ans, et il ne leur manque rien, ce qui me fait penser que même s'ils ont hurlé un bout pendant que je dormais, je n’ai pas du rater grand chose.

    Un peu de cynisme aide pour les nuits. Ou une bonne nature de sommeil. Et dans tous les cas, ne pas se réveiller n'est pas un signe de maltraitance. Ça les cale sur un rythme qui est aussi le votre. Parce que oui, on peut avoir son propre rythme quand on est mère, les enfants s’adaptent. Comme nous nous adaptons à eux.

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour,

    Je découvre votre article aujourd'hui et me permets de vous laisser un message même si cela fait déjà 5 mois que vous l'avez écrit.

    Je suis maman d'une petite fille de 2 ans et 5 mois, allaitée jusqu'à 2 ans, en cododo ou presque pendant un sacré paquet de mois.
    Et votre description du manque de sommeil m'a particulièrement touchée!

    J'ai repris le travail à temps plein quand ma fille avait 5 mois et qu'elle ne voulait pas toucher un biberon de la journée : elle mangeait des purées, compotes et yaourts chez la nounou, et se vengeait le soir et la nuit (en gros, elle tétait sa mère entre 6 et 10 fois par nuit!).
    Un mari très pris professionnellement (notamment soirs et weekends), une famille à 800 km, peu d'amis, j'ai pété un câble plus d'une fois. Je ne savais pas que l'on pouvait être aussi fatiguée!
    Mais j'ai survécu, j'ai grandi avec ma fille, je suis même fière de ce que j'ai accompli.
    J'ai aussi eu la chance de rencontrer une sage-femme extraordinaire qui, par son écoute bienveillante, sa compréhension et sa sérénité, m'a donné de la force et m'a permis d'avoir un temps pour me poser et pleurer. Comme une main tendue pour aider à avancer quand je n'avais plus de force.

    J'espère que de votre côté le pire est passé et que vous avez réussi à trouver votre nouveau rythme, à l'écoute de votre enfant sans vous oublier complètement.

    Bien amicalement,

    Nanou

    PS : un autre de vos articles m'a beaucoup touchée. vous y écrivez que les contes de fées n'existent pas.
    peut-être que les contes de fées n'existent pas, mais les fées existent.
    c'est comme cela que l'on appelle souvent les donneuses d'ovocytes, ces mères à la générosité extraordinaire et anonyme qui permettent aux femmes qui ne peuvent pas de finalement pouvoir... je ne les remercierai jamais assez!

    RépondreSupprimer
  6. Le manque de sommeil est très présent chez les jeunes parents. Nous en avons beaucoup souffert, à cause des coliques, mais aujourd'hui c'est du passé. Nous essayons de nous rassurer en disant que ce sont les meilleures années de note vie mais il faut oser dire que c'est trop dur.

    RépondreSupprimer

Un avis ? Un commentaire ? C'est par ici !