J'aime la notion de chemin de vie. Personne ne peut dire quelle voie suivra le cours de notre vie, si celle-ci est déjà tracée ou si au contraire, des évènements vont venir tout chambouler et nous projeter dans une autre direction.
Le monde est plein de vie, et donc de changements et notre chemin dépend trop des autres pour qu'aujourd'hui, nous puissions dire : "dans dix ans, je serai ceci".
Non, c'est impossible.
Et heureusement.
Comment continuer si l'on sait déjà où le bout du chemin nous mène ?
Ce sont les aléas des chemins de vie qui m'ont mené au point où je suis aujourd'hui, désœuvrée, mais je sais que cela changera, à un moment ou à un autre.
Après tout, mon chemin a changé trop souvent de trajectoire pour que je ne sois pas convaincue que cela ne peut que recommencer.
Devenir sage-femme est d'ailleurs issu d'un de ces changements de trajectoire.
Quand j'étais petite, je souhaitais être archéologue, plus tard. Fouiller la terre pour en faire émerger des richesses et des mystères, remettre dans la lumière des splendeurs cachées depuis des millénaires (j'avais et j'ai toujours une passion pour l'égyptologie).
Et puis, j'ai grandi, dans une famille ayant subi son lot de difficultés, et il m'est apparu à un moment que ce n'était pas un rêve très réaliste. Trop peu d'élus pour beaucoup d'appelés.
Alors, en terminale, lorsqu'il m'a fallu faire un choix, je me suis orientée vers une autre profession, vers un choix plus rationnel : faire médecine.
J'avais toujours eu ce truc qui me poussait à aider les gens, à être là quand ils en avaient besoin. Je me sentais cette profonde envie de soigner les gens, de les aider à aller vers des chemins plus radieux. Ça, c'était pour le côté idéaliste. Le côté réaliste me disait, lui, que si je devais me planter, je le saurais vite, dès la fin de la première année de médecine.
Je me suis donc orientée vers la faculté de médecine.
La chance a fait que mon chemin croise juste celui qui allait être le caillou sur ce chemin.
Pour payer mes études, je travaillais depuis trois étés comme serveuse dans une crêperie bretonne, et cet été là, un jeune homme a rejoint notre équipe, un jeune homme qui venait d'échouer au concours de médecine et s'apprêtait à redoubler sa première année. Par le hasard d'une crêpe, je me suis donc retrouvée intégrée dès la rentrée universitaire à un groupe de redoublants, étudiants aguerris aux difficultés de la fameuse première année de médecine. Heureusement, car cette année a probablement été une des plus difficiles de toute ma vie : l'éloignement familial, la solitude, la pression...
A la fin de cette année, mon Compagnon de Crêperie a réussi à se classer... pour sage-femme. Il en était ravi même si un peu incertain quant à ce qui l'attendait réellement.
Quant à moi, je me préparais à redoubler mon année de médecine.
Très vite après la rentrée, mon Compagnon de Crêperie est venu nous raconter ce qu'il vivait, les cours, difficiles mais en plein cœur de son futur métier, les stages où il tenait déjà la vie entre ses mains, le contact avec les femmes et les couples, si fort. Il a commencé à me faire réfléchir sur ce que j'attendais réellement des ces études de médecine. Réflexion qui avait déjà été largement entamée devant la vision que m'offraient les autres étudiants de première année : nulle part je ne trouvais signe de cette empathie qui me paraissait essentielle à de futurs soignants, ce n'était que pression et concurrence, qu'ils faisaient généralement retomber à grands coups de soirées arrosées et débridées. Je ne me retrouvais pas en eux.
Il ne m'a pas fallu longtemps pour décider que j'allais passer le concours... uniquement pour m'orienter vers sage-femme. Cela ne l'a pas rendu plus facile, non. Mais cela me donnait un véritable objectif à atteindre.
A l'issu de ce deuxième et dernier concours, je me classais 18ème sur 20 sur la liste d'attente pour entrer en école de sages-femmes. J'y croyais. Après tout, personne ne connaissait ce métier, personne n'en parlait dans l'amphithéâtre de médecine, c'était les "ratés" qui allaient là-bas.
J'attendais donc que l'on m'appelle.
Mais les jours se sont transformés en semaines et finalement, prise d'une sombre intuition, j'ai de moi-même appelé l'école de sages-femmes pour savoir ce qu'il en était. "Mais vous n'y pensez pas, vous êtes trop loin sur la liste d'attente, jamais cela ne viendra jusqu'à vous !". La douche fut glacée et glaçante.
Très vite, il fallut que je me tourne vers une autre option et sans vraiment réfléchir, j'optais pour la passerelle vers le DEUG de bio, le seul qui m'était accessible avec les notes obtenues au concours.
L'été se termina dans une sinistre morosité, mon rêve envolé avec lui.
En septembre, j'appelais une dernière fois l'école de sages-femmes : ils avaient terminé leur recrutement, ils s'étaient arrêtés juste avant moi. Cruelle désillusion !
J'attaquais donc la fac de bio sans entrain, me trainant en cours pour le principe d'aller en cours. Je réfléchissais déjà à ce que j'allais tenter l'année d'après : les concours d'infirmière ? Cela ne me tentait pas vraiment, j'avais compris en fac de médecine que c'était la vie qui m'appelait, pas la mort. Une autre fac ? Mais quel temps de perdu...
Quinze jours s'écoulèrent ainsi jusqu'à ce jour où mon Compagnon de Crêperie m'appela : une fille avait abandonné après quinze jours de cours, la place était à moi si je la souhaitais. Quel cri j'ai poussé à ce moment-là ! J'ai bien dû lui percer les tympans !
Mais deux heures plus tard, j'étais assis dans une salle de cours, auprès de celles qui allaient devenir comme des sœurs pour moi, à apprendre à préparer une perfusion, encore sonnée de la chance qui m'arrivait.
Et quatre ans plus tard, je quittais l'école, mon Diplôme d'Etat en poche, une maternité m'ouvrant ses portes, convaincue que mon chemin de vie était tout tracé.
Une crêpe aurait pourtant dû me rappeler que rien n'est tracé dans la vie !
Un chemin fait de détours, comme cela me parle ! Peut-être que si j'avais rencontré votre Compagnon de Crêperie, je n'aurais pas quitté la fac de médecine au bout d'un mois et demi et je serais sage-femme aujourd'hui. Mais j'ai été dégoûtée par la pression et la compétition entre ceux que j'imaginais être de futurs soignants plein d'empathie. Mon parcours a ensuite fait des détours, et, lors de mon entrée dans le monde professionnel, je pensais que cela me desservirait. Mais mon CV pas comme les autres a fait que j'ai pu rentrer en stage dans une entreprise où il est difficile de rentrer, et je fais mon petit bonhomme de chemin... Mais comme vous le dites, le chemin n'est pas tracé, et on n'est jamais à l'abri d'un nouveau virage, que je vous souhaite dans votre vie professionnelle.
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