jeudi 2 juillet 2015

Le poids des mots

Dans quelques heures, un verdict va être prononcé. Un verdict dans une affaire judiciaire bouleversante, terrible, au-delà de notre compréhension de l'être humain : l'affaire Cottrez. Cette affaire où une femme, une mère, a mis fin à la vie de huit de ces nouveaux-nés. 

Je ne m'aventurerai pas à prendre parti, à justifier ou non de tels actes. J'ai ma propre opinion à ce sujet mais elle n'a rien à faire sur ce blog. 
Non, là, maintenant, j'ai envie de parler surtout d'un élément du procès qui m'horrifie, m'insupporte, me révolte... le poids des mots. Le poids des mots de la sage-femme qui a accompagné cette femme, Dominique Cottrez pour la naissance de son premier enfant.

"Elle a 23 ans, elle a pris 30 kg pendant sa grossesse, la sage-femme qui l’accueille la rudoie et la tutoie. « Elle m’a traitée de gros boudin, je me suis sentie humiliée. Après, le médecin est arrivé, pas de bonjour, rien, sans expliquer ce qu’il faisait, il était froid, presque méprisant, j’avais l’impression qu’on me prenait pour une bête », dit-elle. Lorsque, un an plus tard, Dominique Cottrez découvre qu’elle est de nouveau enceinte, elle est terrorisée à l’idée de revoir une sage-femme, d’autant qu’elle n’a pas perdu les kilos de sa première grossesse, et décide de la dissimuler. Le mari et la famille n’apprennent la nouvelle qu’à la naissance et le lui reprochent." Source
 
Et je vous invite à lire cet article qui donne la parole à le sage-femme en question. 
 
Comment peut-on dire de telles horreurs à une femme en plein travail ? Comment peut-on ne pas comprendre le mal que cela peut faire ? 

Et, hasard ou non, ces jours, est paru cet article également : c'est une claque, mais une claque que nous, les soignants, nous méritons probablement de prendre. 

Ces deux histoires en parallèle me désolent.
Nous, les soignants, nous sommes là pour soigner, pour aider, pour prendre soin. Pas pour juger, pas pour agresser. 
 
Que nos patients soient maigres ou gros, qu'ils soient hommes ou femmes, qu'ils soient blancs ou noirs, qu'ils soient des adultes ou des enfants... nous sommes là pour eux ! Nous sommes là pour répondre à leurs besoins ! Nous ne sommes pas là pour répondre aux besoins que nous pensons les leurs. Et nous n'avons pas à leur imposer notre propre vision de ceux qu'ils sont !

"Bah, ce ne sont que des mots", me diront certains. 

Certes. 
Mais ces mots tuent. Ces mots ont peut-être tué huit nouveaux-nés.
Ces mots blessent... et empêchent le soin quand les personnes touchées refusent désormais tout contact avec le milieu médical.
Ces mots marquent le corps, l'esprit, l'âme... par leur caractère inaltérable. Il y a des mots qu'on ne réussira jamais à oublier. 

Dans les deux cas auxquels je fais référence aujourd'hui, c'est le poids qui est à l'origine des ces mots. Cela nous parle peut-être plus facilement car ces kilos "en trop" sont visibles, trop visibles. Et qu'ils sont tellement facilement opposables à nos propres kilos à nous, à notre propre vision du corps parfait, sain. 
Mais cela pourrait concerner tous les aspects d'une personne. Nous portons tous en nous notre histoire, nos peurs, nos doutes. Nos plaies plus ou moins cicatrisées, cicatrisables. Elles ne sont pas forcément sur notre visage ou dans notre chair. Mais elles sont là. Et il suffit parfois d'un mot pour les rouvrir. 

Alors, ami(e)s, confrères, consœurs, soignants ou non, pensons-y, toujours, en chaque instant. 
Et remplaçons ce poids des mots par celui du non-jugement et de la bienveillance !