mercredi 18 juin 2014

De l'(a)normalité

La semaine dernière, j'ai pu assister à une séance en version longue du film « Entre leurs mains », ce film magnifique sur l'accouchement à domicile et plus généralement l'accouchement physiologique. Ce fut une expérience très enrichissante pour moi, d'abord eu égard à la qualité du film évidemment mais également de par les personnes qui m'entouraient. En effet, je me suis retrouvée le temps d'une soirée entourée quasi uniquement de femmes qui avaient accouché à domicile (ou étaient sur le point de le faire). Moi qui ai plus l'habitude de fréquenter les femmes en milieu hospitalier, j'avais l'impression d'être E.T. tout d'un coup.

Après cette soirée, me retrouver plongée de nouveau dans la « normalité » de l'hypermédicalisation vue et revue sur les réseaux sociaux a été comme une gifle pour moi. Comment les femmes peuvent-elles se scinder en deux groupes si distincts et opposés ???

Peut-être parce que certaines se sont laissées portées par le poids des « transmissions », de ce qui est nous est raconté par nos mères, notre culture et nos réseaux sociaux, quand d'autres ont appris à s'en libérer ?

En effet, s'il y a une chose qui nous « poursuit » depuis la nuit des temps, c'est bien une vision doloriste et dangereuse de l'accouchement.
Notre berceau judéo-chrétien nous a appris que toute naissance était une souffrance (le fameux "tu enfanteras dans la douleur" de la Genèse) ; les femmes ont également longtemps vécu l'enfantement comme leur guerre personnelle (celle à laquelle on est fière d'avoir survécu) ; d'autres le vivaient comme le prix à payer pour avoir un enfant en bonne santé... Beaucoup de notions qui ont concouru à faire perdurer cette image doloriste de l'accouchement. L'anesthésie est ensuite arrivée et, si elle a permis de supprimer la douleur, elle n'a pour autant pas fait disparaître la crainte de la douleur. Au contraire, l'anesthésie en se rendant indispensable pour ne pas succomber à la douleur n'a fait que renforcer cette image d'une douleur insurmontable. La « transmission » était donc celle d'un phénomène horriblement douloureux.
Et qui peut tuer. Les récits de femmes mortes en couche sont légion et dans l'esprit des femmes, la peur de mourir en donnant la vie est profondément ancrée.
S'est ajouté à cela une vision différente de l'enfant. Longtemps, lorsque la planification des naissances n'existait pas, l'enfant était vu comme une force de travail, un soutien pour la vieillesse. Il mourait facilement en couche ou dans les premières années mais pouvait « aisément » être remplacé par les enfants suivants. Avec la contraception est arrivée la notion d'enfant désiré, enfant voulu et aimé avant même sa naissance. Sa mort au cours de l'accouchement devenait donc inconcevable, inenvisageable, angoisse devenue insupportable.
Beaucoup de femmes d'aujourd'hui portent donc en elles cette double vision de l'accouchement : un événement douloureusement insurmontable et pouvant à tout moment entraîner la mort de leur enfant ou d'elle-même. Voici la transmission de la naissance aujourd'hui, profondément ancrée dans le cœur des femmes, celle que nous rencontrons si souvent, celle qui nous est racontée par nos grands-mères et mères, celle qui est reprise dans les différentes émissions de télé-réalité ou de fictions, dans les billets humoristiques des blogueurs, dans les sketch des humoristes. C'est également celle qui est transmise par le milieu médical d'aujourd'hui.
Et c'est parce que les femmes aujourd'hui n'ont que ces images en tête, que parce que le milieu médical vient enrichir leurs angoisses en hypermédicalisant, en n'insistant que sur les risques et non les bénéfices, que désormais, la « normalité » semble du côté de la médicalisation.


Mais alors, comment expliquer cette scission dans la population des parturientes ? Comment expliquer cette angoisse sous-jacente dans un groupe quand au contraire, d'autres femmes vivent cette étape de la naissance dans la sérénité, sans crainte et sans penser nécessiter cette médicalisation de la naissance ?


Peut-être parce qu'elles n'ont pas oublié une chose : il y a au milieu de tout ça une variable, ou plutôt devrais-je dire une invariable, c'est l'accouchement en lui-même. Sa mécanique n'a pas changé au cours des millénaires. Il s'agit toujours de l'expulsion d'un enfant du corps de sa mère, expulsion mise en œuvre par différents jeux d'hormones et de contractions musculaires, expulsion qui nécessite une part active de la mère qui se mobilise pour ouvrir un chemin à son enfant, ainsi qu'une part passive de l'enfant qui va se laisser guider par ces différents mouvements pour accomplir son voyage dans le bassin maternel.
Elles ont également dépassé cette notion de peur, de douleur, pour en faire une alliée, non plus une punition mais un signal de l'avancée du miracle qui est en train de se dérouler dans leur corps.
Elles ont appris que si la mort veillait, elle n'était pas la seule et que les sages-femmes étaient là pour lui barrer la route.


Alors, finalement, où est la normalité ? Plutôt dans la douleur et la mort ou dans la force et la vie ? Et comment permettre à ces deux groupes de se rencontrer ?


Peut-être déjà en modifiant ce qu'elles se transmettent ? En commençant par voir un film comme « Entre leurs mains » ? En quittant le cercle des informations toujours alarmantes pour se plonger dans d'autres plus sereines ? En reprenant confiance en elles, c'est sûr. 

Les femmes ont un rôle à jouer pour y parvenir. La société également en acceptant de remettre en cause la vision qu'elle véhicule de l'accouchement. Le monde médical encore plus en pesant « réellement » les bénéfices-risques de leur pratique.



Pour aller plus loin : 

mardi 10 juin 2014

Faillible

Elle m'attend tout sourire dans la salle de consultation, assise sur la chaise à côté du bureau, son dossier personnel sur les genoux et le dossier médical de la maternité qui m'attend lui, sagement, sur le bureau. 

Je rentre avec le sourire, je me présente, lui demande comment elle va et ce qui l'amène en ces lieux en cette belle journée d'été. Elle me parle de ces contractions débutantes qui commencent à lui faire mal mais ne sont pas encore très rapprochées. C'est son premier, elle ne sait pas très bien si c'est le bon moment. Je la rassure d'un sourire et lui dis que nous allons faire le point ensemble. 

Mais avant, je vais jeter un oeil à son dossier, voir s'il y a des infos dont je devrais avoir connaissance pour la prendre en charge du mieux possible. J'ouvre la première page, lis cette unique phrase inscrite en rouge et là, mon coeur et mon esprit se ferme : je ne peux pas, je ne pourrai pas m'occuper d'elle ! 

Elle ne se rend compte de rien, toute concentrée qu'elle est sur une contraction qui vient en elle mais il y a un cataclysme en moi. 

Dans ma carrière, je me suis indifféremment occupée de toutes les femmes qui m'ont été confiées, des jeunes et des moins jeunes, des pauvres et des riches, des "propres" et des "moins propres", quelle que soit leur couleur de peau ou leurs convictions politiques ou religieuses. Mais elle, non, je ne pourrai pas. Cette unique phrase en rouge a verrouillé mon cœur, me plongeant dans une blessure très vieille mais pas encore cicatrisée et qui ne le sera peut-être jamais.

Ce n'est pas sa faute, ce n'est pas la mienne. Juste celle d'un passé, d'une souffrance d'enfance qui a balayé ma vie et m'a propulsée dans le monde des adultes beaucoup trop tôt. 
Une peine qui, malgré mon professionnalisme et mon désir réel d'aider cette patiente, est bien trop vive encore. Je ne pourrai pas l'aider. Je risque au contraire de lui faire du mal, malgré moi. Elle ne mérite pas ça. Elle n'a rien fait pour ça. Elle n'est qu'une jeune femme sur le point de devenir mère et qui a fait un choix personnel. Un choix que je ne devrais pas juger. Un choix qui ne devrait pas avoir d'impact sur ce qu'elle va vivre dans les heures ou les jours qui viennent. 

Mais je ne le peux pas. C'est plus fort que moi. 

Alors, tentant de conserver malgré tout un sourire avenant, je quitte la pièce, tremblant de la tête aux pieds et vais transmettre le dossier à ma collègue. Collègue qui connait mon histoire, mon vécu et qui sans un mot mais avec un sourire comprend ce qui se passe. Et qui va rencontrer sa nouvelle patiente. 

Lorsqu'on est un professionnel de santé, on se doit de rester neutre, de prendre soin de chacun de ses patients en leur offrant le maximum, dans le respect des dernières connaissances de la médecine. 

Lorsqu'on est un professionnel de santé, on se doit d'entendre les demandes des patients et d'y répondre avec objectivité, sans que nos propres sentiments, avis personnel ou vécu n'interviennent dans cette prise en charge. 

Lorsqu'on est un professionnel de santé, on se doit de prendre en charge tous les patients avec le même professionnalisme, sans distinction pour leur couleur de peau, leur religion, leur conviction politique, leur compte en banque. 

Mais être un professionnel de santé, c'est également être un être humain, avec ses failles et ses faiblesses. 
Alors, être un professionnel de santé, c'est dans ces cas-là, savoir s'arrêter avant de mal faire et passer la main. 

Parce que si nous sommes faillibles, nos patients n'ont pas pour autant à en pâtir.

lundi 2 juin 2014

Une journée si ordinaire...

La garde débute à 7h30 dans la Grande Usine. La garde pour les sages-femmes, pas la journée des femmes qui, elle, a commencé bien plus tôt.

5h du matin pour les patientes césarisées de la veille, les dames nécessitant un bilan sanguin. 5h du matin, c'est l'heure des retraits de sondes urinaires, l'heure des prises de sang dont les résultats doivent OBLIGATOIREMENT être récupérés avant le staff de 8h. 
5h du matin, c'est également l'heure où les bébés dorment enfin, après parfois de nombreuses heures de pleurs, de marche dans le couloir, de câlins et de mots apaisants pour ces petits êtres perdus dans ce nouveau monde.
5h du matin, c'est également l'heure où les mamans dorment enfin du sommeil du juste, du sommeil réparateur, de ce sommeil qui est si indispensable pour assurer les journées et les nuits qui les attendent. 
Mais qu'importe, 5h du matin, c'est l'heure des retraits des sondes urinaires et des prises de sang. 

6h20 du matin, c'est ensuite l'heure des petits-déjeuner. Plus ou moins copieux en fonction du nombre de patientes dans le service ce jour-là, toujours à une heure où les femmes et les enfants n'ont qu'une envie : dormir !

Puis à partir de 7h, c'est la valse des intervenants : le ménage des chambres, la réfection des lits, le sacro-saint bain du bébé. Dois-je répéter que c'est toujours l'heure où femmes et enfants ne demandent qu'une chose : dormir ?

A 8h, le staff débute pour les sages-femmes, médecins, internes, étudiants... Etude des partogrammes : le travail a-t-il été harmonieux, pas trop long, pas trop court ? Pourquoi le syntocinon n'a-t-il pas été branché plus tôt ? Pourquoi a-t-on attendu que la péridurale soit posée pour rompre la poche des eaux ? Pourquoi a-t-elle poussé aussi longtemps ? ... Beaucoup de questions dont finalement les réponses importent peu. De toute façon, les sages-femmes de la nuit sont déjà parties dormir, comment pourraient-elles y répondre ? 

8h30, le tour de garde avec l'obstétricien, uniquement pour les patientes présentant des pathologies. Vite fait, bien, fait, le médecin, l'interne, l'externe, la sage-femme, l'élève sage-femme, la cadre du service. Tout ce petit monde pour regarder une cicatrice, palper un utérus... et analyser les résultats des prises de sang. 

9h, vient le ballet de la sage-femme, qui doit trouver sa place dans la chorégraphie des intervenants : le sol est mouillé ? Je repasserai plus tard. Vous donnez le bain ? Je repasserai plus tard. Vous donnez le sein ? Je repasserai plus tard... A moins que, quoi, vous aimeriez que je regarde la tétée ? Attendez, je rentre mon chariot-char d'asseau, je regarde. Vous êtes sous la douche ? Vous en avez pour longtemps ? Je vous attends ou vous préférez que je repasse plus tard ? 
C'est bon, vous êtes prête, je peux venir vous examiner ? Non, non, ne vous déshabillez pas complètement, je vais d'abord prendre votre tension puis seulement après je regarderai votre poitrine. Votre slip ? oui, voilà, maintenant, mais vous pouvez remettre votre soutien-gorge d'abord, il n'y a pas d'urgence. 
Ah, désolée, le téléphone sonne. "Allo ?" d'une main quand l'autre tente de rabattre un drap pudiquement, le temps d'une conversation qui ne devrait pas avoir lieu dans cette chambre. "Je reviens, j'essaie de faire vite". Pas assez vite, "où en étions-nous ?".
Des douleurs ? des questions ? des craintes ? je vous écoute. Enfin, si ce téléphone veut bien arrêter de sonner. 
L'allaitement ? oui, appelez-moi à la prochaine tétée, on verra ensemble pourquoi vous avez mal, comment prend ce petit gourmand. 
Vous souhaitez sortir aujourd'hui ?  Comment est la courbe de poids ? Vous vous sentez prête à rentrer chez vous ? Vous connaissez la rééducation du périnée ? Vous savez qui consulter pour votre visite post-natale ? Vous désirez un moyen de contraception ? Ah, vous souhaitez que j'en parle avec votre compagnon ? D'accord, appelez-moi quand il sera là.
Je dois faire une prise de sang à votre bébé. Avez-vous des questions sur les examens qui vont être faits ? Avez-vous signé la feuille de consentement ? Tenez, on va lui mettre les mains bien au chaud, comme ça, la prise de sang sera très facile. Est-ce que ça va lui faire mal ? Peut-être un peu, mais on va lui donner du sucre à boire et vous verrez, avec notre technique, ça ne dure que quelques secondes. 

Quoi ? La dame a fait un malaise dans la douche ?? Je vous laisse madame, n'hésitez pas à m'appelez si nécessaire. Courir dans les couloirs. Retrouver la patiente blanche comme un linge : "trop fatiguée, il a pleuré toute la nuit, je suis épuisée." Allongez-vous madame, voilà, je vous prends la tension. Oui, c'est dur les nuits. Oui, parfois, on se sent impuissantes. N'hésitez pas à lui dire. Il a du mal à prendre le sein ? Appelez-nous, on vous aidera. Mais oui, vous avez le droit de pleurer. Mais oui, ce n'est pas comme vous l'aviez imaginé. Vous serez aidée à la maison ? Vous êtes entourée ? N'hésitez pas à passer la main si vous sentez que vous en avez besoin. Passer au biberon serait plus simple ? C'est vous qui voyez mais vous savez, ce qui est difficile, ce n'est pas d'allaiter ou non, c'est surtout de vivre au rythme d'un nouveau-né. Courage, cela ne dure pas. Toute chose a un fin même si là, aujourd'hui, vous avez l'impression que le temps s'est arrêté. Vous verrez, chez vous, ce sera déjà différent. Vous pourrez prendre vos marques, ne pas être tributaire du rythme de l'hôpital ? Vous avez une sage-femme libérale qui puisse passer vous voir à votre retour ? Souhaitez-vous que je demande à une puéricultrice de la PMI de passer également ?
Ah, on m'appelle. Je dois vous laissez, cela va aller ? Je repasse vous voir dans l'après-midi, d'accord ?

Le bébé à piquer ? Ah oui, j'arrive. 
Le labo au téléphone ? Ah oui, j'arrive. 
La psy qui souhaite me parler ? Ah oui, j'arrive. 
La PMI en ligne ? Ah oui, j'arrive. 
Le 115 pour l'hébergement d'urgence ? Ah oui, j'arrive. 
La dame à descendre au bloc opératoire ? Les brancardiers ne sont pas là ? Ah oui, j'arrive. 
Les papiers à donner pour que la dame rentre chez elle et que les filles puissent refaire sa chambre, ça bouchonne en salle d'accouchement ? Ah oui, j'arrive. 
La dame en réa dont il faut palper l'utérus ? Ah oui, j'arrive.
Le mari de la dame est là, c'est bon pour la traduction, tu viens ? Ah oui, j'arrive. 
Le self ferme dans 10 min, il est 13h50, tu viens manger ? Ah oui, j'arrive... ou pas.

Le staff de 14h avec les auxiliaires de puériculture, la psychologue, l'assistante sociale, la cadre du service. La courbe de poids n'est pas bonne ? Elle te parait jaune ? Le bilan n'est pas bon ? Elle veut passer au biberon ? Elle tire son lait et elle a mal ? Comment va le petit en néonat ? La maman pleure ? Elle veut rester un jour de plus pour assister au baptême du bébé en réa ? Ils vont arrêter les soins dans deux jours et elle doit partir demain ? La pouponnière passera prendre le petit bébé X demain ? La maman est-elle prête ? Le psy est passé ? C'est un gros déni de grossesse ? 

15h : heure des coups de fil en tout genre : PMI, psy, radiologie, pédiatre...
16h : retour vers les patientes. Bonjour messieurs, bonjour mesdames, puis-je vous demander de sortir le temps de parler à madame ? Oui, promis, cela ne durera que le temps nécessaire. Oui, les enfants aussi sont priés de sortir. Oui, vous aussi madame la grand-mère. Non, monsieur, vous, vous pouvez rester si votre compagne le souhaite. Un chocolat ? C'est gentil, merci. 

Retour des patientes césarisées ce jour : comptage des perfusions, réfection de pansement si nécessaire, petite toilette pour être un peu mieux, essai de mise au sein, anti-douleurs... 
Signe clinique intrigant : appel de l'interne. On verra... 

Dossiers à remplir, feuille de transmission à préparer pour la collègue de nuit.
Toujours les sonnettes, toujours les coups de fil. 

De nouveau la relève. Ne rien oublier même si on ne rêve que de rentrer chez soi. Passer la main en insistant sur cette patiente fatiguée, douloureuse, ce ventre ballonné qui nous inquiète. 

"Bonsoir madame, je suis la sage-femme de nuit".
Non, monsieur, vous ne pouvez pas rester dormir ici. Non, mesdames, les visites c'est jusqu'à 20h, pas plus tard. Vous avez besoin de quelque chose pour la nuit ?
La nuit vous fait peur ? Parlons-en. Et n'hésitez-pas à nous appeler si nécessaire. 
Vous avez toujours mal au ventre, aux points, aux bouts de sein. Montrez-moi ça, on va voir comment tenter de vous soulager. 
Vous voulez passer au biberon ? Vous regrettez de ne pas avoir donné le sein ? Rien n'est définitif, on va en parler. 
Ce ventre est toujours ballonné ? Cela ne me plait pas, je vais appeler l'interne. Quoi ? Tu penses que c'est rien. Mais je te dis que ce n'est pas normal. Ok, ok, je ne suis que sage-femme. 

La nuit qui s'écoule, lentement, au rythme des sonnettes et des pleurs, avec l'arrivée de nouvelles patientes. Essayer de poser ses jambes. Ne pas s'endormir devant l'ordinateur. Ne pas céder à la tentation du biberon donné à 3h du matin pour apaiser l'enfant et la mère. 

5h, l'heure des prises de sang et des retraits de sonde. "Pardon, je suis désolée de devoir vous réveiller. Oui, je sais, vous dormiez bien et elle aussi."
5h, l'heure du coup de fil à l'interne : "elle est vraiment pas bien, je veux que tu passes la voir. Non, ça ne peut pas attendre le staff de 8h. A quoi je pense ? A un syndrome d'Ogilvie. Je te dis de venir."

7h30 : l'heure de la relève. Tout recommence.

A oui, on va redescendre cette patiente en salle de réveil. Syndrome d'Ogilvie, oui.